jeudi 9 janvier 2014

Essai d’apologie de la science

Essai d’apologie de la science

La science, source objective de connaissances


Résumé 

Il est primordial de se référer à des connaissances scientifiques pour affiner ses opinions personnelles et de reconnaître la valeur des expertises étayées sur des observations et des expérimentations.

Une meilleure connaissance des apports de la science  et de ses limites permet de mieux appréhender le monde, de mieux distinguer ce qui peut être prévisible de ce qui ne l’est pas. Les découvertes scientifiques constituent une base de réflexion pour mieux cerner d’où vient l’humanité, ce qui n’empêche d’ailleurs absolument pas de considérer l’origine du monde et toute sa capacité de développement comme un grand Mystère devant lequel nous devrons toujours nous incliner. Les limites de notre connaissance reculent alors qu’en même temps resurgissent de nouveaux mystères.

Les sciences, dont la neurologie et les sciences humaines, nous aident à mieux comprendre ce que nous sommes, composés de Matière ayant atteint un degré de complexité tel que notre système neurologique nous a permis de réfléchir et même de réfléchir au fait que nous pensions.

La science n’apporte pas et n’apportera jamais une vérité ultime sur nous-mêmes, sur le monde, sur la nature profonde de la Matière-Energie. Ces limites laissent place à des croyances, notamment celles basées sur la foi en Etre transcendant et sur l’espérance d’un devenir au delà de la mort dépassant notre entendement. Par contre les connaissances issues des sciences constituent indéniablement un socle de vérités universelles destinées à être reconnues en tant que telles par tout homme « raisonnable ».



Développement

Tant lors de ma vie professionnelle que privée, j'ai constaté que de nombreuses personnes ressentent une grande méfiance envers les données scientifiques. La valeur de la science en tant que connaissance, ou savoir, n’est pas suffisamment reconnue chez des personnes peu instruites ou même parmi celles de formation supérieure. Pourtant la science ne correspond-t-elle pas à un désir de « vérité » ? Ne constitue-t-elle pas le meilleur socle de réflexion pour se faire sa propre perception (ou vision) du monde ?

Mon objectif est de montrer que l’insuffisance de la prise en considération des données scientifiques conduit à des erreurs d’appréciation (ou de jugement) dans la vie courante comme dans les domaines philosophiques et religieux.



Les connaissances scientifiques décrivent le Réel

L'efficacité technique des sciences ne fait aucun doute

A priori tout le monde s’accorde à reconnaître que les sciences apportent de solides connaissances  pour la réalisation d’applications techniques de plus en plus complexes. Souvent celles-ci vont au delà  de ce que l'esprit humain pouvait imaginer quelques décennies auparavant : au début du XIXème siècle personne ne pensait sérieusement que nous pourrions marcher sur la lune, a fortiori bientôt sur mars ; au début du XXème, qui imaginait qu’autant d’informations seraient disponibles en quelques secondes dans des centaines de millions de foyers sur l’ensemble de la planète ?

Par contre il est vrai qu’en pratique l’utilisation de ces connaissances est loin d’être toujours bénéfique. Elle peut être destructive pour l’homme lui-même et son environnement. Cependant cela est un autre sujet, c’est surtout les capacités de nuisance qui se sont accrues.

Cette efficacité remarquable, associée à la peur de l’inconnu, explique probablement les craintes vis-à-vis de la science. Pourtant cette attitude ne doit pas freiner l’acquisition des connaissances. Elle doit seulement freiner ou interdire certaines applications.

L’efficience des savoirs scientifiques doivent logiquement nous servir de base autant que possible sur de nombreux sujets, même de la vie courante. Bien sûr la science ne résoudra jamais tout. Elle ne répondra jamais à toutes nos questions, ni ne nous dictera nos comportements. Par exemple, ce n’est pas à des scientifiques de nous dire ce que nous devons manger, par contre pour nos choix de nourriture, il vaut mieux tenir compte des informations diététiques disponibles. De même pour l’hygiène, les travaux de Pasteur ont changé les habitudes de toilette.



Une découverte scientifique est une connaissance acquise, seule l'interprétation peut évoluer 

Souvent, nous entendons dire que les anciennes connaissances scientifiques sont  remises en cause par de nouvelles découvertes. C’est faux. Si elle a pu être vérifiée par ses confrères, une observation ou une expérimentation réalisée par un chercheur reste définitivement vraie en tant que telle. Par contre les conclusions ou les interprétations qu'il en tire peuvent s'avérer erronées, notamment si elles ont conduit à une généralisation en dehors de son champ initial.
Les mesures des astronomes d'autrefois sont souvent bonnes avec une précision étonnante : la distance terre-soleil a été mesurée avec précision dès le IIème siècle (Traité de Claude Ptolémée). Par contre les mouvements réels des planètes ont été connus beaucoup plus tard avec Kepler, Copernic, Newton, ..., puis encore affinés au XXème (Einstein,…). Depuis, on a démontré que la prévision exacte des trajectoires sur une longue période était impossible.  Il n'empêche que les découvertes précédentes ont été des acquis incontestables. Seules les précisions des mesures et les interprétations qui en découlent ont changé.

Au fil des découvertes, les interprétations des expérimentations (ou des observations) ainsi que les grandes théories explicatives évoluent ou se précisent. De même, bien sûr, change la vision (ou la conception) du monde qui découle des connaissances d’une époque.
Exemple : la terre a longtemps été considérée plate, puis des mesures ont mis en évidence sa rotondité. Elle apparaissait comme le centre du monde, puis il y a eu la vue héliocentrique avec Copernic, …. Et maintenant la vision du monde couvre un univers né depuis 13,8 milliards d’années composé de plus de 100 milliards de galaxies. Dans quelques dizaines d’années ou centaines d’années, la vision actuelle du monde et de la matière sera probablement encore bouleversée par l’apport de nouvelles données.


Les publications statistiques occultent la rigueur de la science statistique

La statistique, basée sur des raisonnements mathématiques de probabilité, est une science parfaitement rigoureuse. Par contre son utilisation pratique et surtout les interprétations des résultats le sont souvent nettement moins. Cela amène parfois, comme on dit communément, à prouver une chose et son contraire!

Les résultats statistiques publiés à tort et à travers par les médias (probablement aussi sous l'influence de scientifiques peu scrupuleux) mettent souvent les sciences en porte-à-faux à cause des confusions engendrées. Parfois, même si les résultats attestent une bonne corrélation entre deux phénomènes, il n'existe pas de lien de causalité directe entre eux, a fortiori quand la corrélation est faible. C'est ainsi que la presse regorge d'informations sur les effets de tel ou tel aliment parce que des études ont démontré une liaison statistique avec tel ou tel symptôme. Les notions de doses et de complexité des processus biologiques sont ignorées. Parfois on confond la cause et l'effet ou on oublie que deux phénomènes corrélés entre eux peuvent avoir une même cause.

Par exemple, il existe une bonne corrélation entre l'obésité et le manque d'activité physique. A partir de ce constat objectif, issu d’observations chiffrées soumises à des tests statistiques (permettant de dire que le risque de se tromper est quasi nul), il est possible de faire des déductions fausses : je fais de l'exercice physique donc je ne peux pas devenir obèse ce qui est aussi faux que de dire je suis obèse par manque d’activité. Les causes d'obésité sont multiples. Le manque d'exercice est une cause si d'autres conditions sont réunies (régime alimentaire, prédisposition). Cette corrélation vient aussi du fait que les personnes obèses ont plus de difficultés à faire des exercices physiques. Dans ce cas ce que l'on croyait être la cause (le manque d'exercice) devient la conséquence de l'obésité.

Autre exemple, les féculents font grossir. L’affirmation est vraie si la quantité absorbée est hors norme. Elle est fausse si les féculents sont pris en quantité normale pendant les repas, ce qui évite la sensation de faim entre les repas et ainsi la prise en excès d'autres aliments à base de sucre du type saccharose.

A travers ces deux exemples, on comprend que les conclusions peuvent différer, voire même être opposées selon les publications. 
   

Comme les statistiques, les prévisions scientifiques comportent des marges d’erreur

Les prévisions sont réalisées par les scientifiques à partir d'hypothèses et surtout à partir de lois connues (en général en nombre restreint, faute de pouvoir tenir compte de tous les paramètres). Il est de ce fait légitime de les accepter avec une certaine prudence car elles comportent des marges d'erreurs (normalement publiées). Ces dernières n’empêchent pas de les considérer justes lorsque les méthodes et les résultats ont été validés les scientifiques spécialisés sur le sujet.
C’est le cas du réchauffement climatique. De même, la prévision de médecins concernant l’évolution d’une maladie chez un patient n’a pas à être contestée. Par contre il faut mieux savoir que la vitesse d’évolution et les séquelles sont souvent  largement imprévisibles à cause de tous les impondérables.


Les scientifiques sont dignes de notre confiance dans leur domaine de compétence

Nous n’avons pas d’autre choix possible que de faire confiance aux hommes de science quand ils parlent de leurs sujets de compétence, même lorsqu’ils effectuent des extrapolations à partir de leurs données. Même si ces dernières ne sont pas nécessairement vraies, la bonne attitude est de faire confiance à la communauté scientifique quand leurs propos sont le fruit d’un travail établi à la quasi unanimité. Par exemple pour les OGM, aucune instance scientifique n’affirme qu’un changement de gène sur une plante est en soi néfaste pour la santé, alors qu’en Europe, notamment en France, une majorité de l’opinion publique le pense.

Il faut distinguer dans les propos des scientifiques ce qui est issu de leur domaine de compétence de ce qui leur est plus personnel, donc davantage de l’ordre de la philosophie ou de l’éthique. Cela justifie la présence de personnes d’horizons divers dans les comités d’éthiques.
Quand un physicien ou un astrophysicien de renom parlent de problèmes d’environnement, ils sortent de leur spécialité et peuvent établir des extrapolations osées et pessimistes en oubliant par exemple les possibilités d’adaptation du vivant mieux connues des biologistes.


L’intuition individuelle ou collective n’est pas la vérité

Croire que notre intuition personnelle ou celle d’un groupe d’humains quel qu’il soit, peut nous apporter une connaissance du même ordre que celle des sciences est une profonde erreur qui semble assez courante. Même si beaucoup de découvertes sont le fruit d’intuitions (parfois de génie), reconnaissons aussi que des intuitions, soit individuelles soit collectives, peuvent n’être que de pures illusions.

Tant qu’une idée intuitive n’est pas soumise à des tests de validation, elle ne peut pas être considérée comme vraie, même si elle est partagée par un grand nombre. Le travail de recherche scientifique n’est en aucun cas un fruit démocratique.
Ce n’est pas parce que la terre était considérée comme le centre du monde par le plus grand nombre que cela est resté vrai.
On pourrait dire aussi que ce n’est pas parce que, dans un pays, une majorité pense que tel aliment issu d’une biotechnologie est un risque pour la santé humaine que cela est vrai. Il est fort dommage que des décisions d’autorisation ou d’interdiction de production et de commercialisation soient prises sous la pression démocratique. Ne pas faire confiance aux spécialistes scientifiques sur ces sujets est une aberration. Rappelons que sur le risque des OGM sur la santé, nous avons le recul de plus de 20 ans sur des centaines de millions de consommateurs dans le monde !

De même les savoirs ancestraux, issus d’intuitions ou d’observations réalisées au fil des siècles, ne sont pas des connaissances scientifiques et donc ne sont pas nécessairement vrais. Pour cela, ils doivent d’être confrontés à une critique scientifique comme l’est une publication nouvelle qui n’est reconnue valide qu’une fois vérifiée par d’autres scientifiques.
L’action d’une plante sur telle maladie a pu être admise par certains peuples alors qu’il peut s’agir d’un simple effet placebo.


La révélation divine n’apporte pas d’explication phénoménologique

Une notion paraît proche de l’intuition, c’est celle de révélation divine, même si elle est de nature différente pour les croyants. Si Dieu existe, son message ne passe-t-il pas à travers l’intuition de certains hommes (dont Jésus reconnu à la fois homme et Dieu par les chrétiens)?

Pour beaucoup de personnes, la révélation divine est considérée comme une source de connaissance complémentaire à celle de la science. Certains vont même jusqu’à contester au nom de leur religion des découvertes scientifiques (c’est le cas des créationnistes). Les personnes qui tiennent de tels discours ont pour le moins une conception théologique archaïque.

La foi religieuse n’est pas un savoir. Elle est avant tout un attachement profond, une confiance ou un lien d'amour, en une personne transcendante initiatrice de l’Univers et donc de l’homme. La foi n’est de ce point de vue en aucun cas une explication phénoménologique du monde. Une foi religieuse ne devrait nullement être source de méfiance envers la science. Cette dernière ne fait que de décrire les propriétés de l’Univers, considéré en l’occurrence comme une Création divine.

Les religions anciennes ou primitives ont a priori toutes des explications sur l’origine du monde et de l’homme que la science a mis en défaut. Mais quelle erreur d’accorder à des traditions religieuses imagées une valeur descriptive du monde réel ! Le but des auteurs de ces textes n’était sûrement pas de décrire objectivement la réalité. Ils cherchaient vraisemblablement à donner du sens à la vie et ils attribuaient des origines aux phénomènes naturels angoissants.

La représentation des croyances, en général anciennes, ne peut pas être en contradiction avec des faits scientifiques avérés. Il est toujours possible de croire à la résurrection des morts mais il est impossible d’avoir une idée de sa nature réelle. Cela devient donc avant tout une idée symbolique ou abstraite chargée de mystère.

Citons un grand scientifique, philosophe et profondément croyant, Teilhard de Chardin : « Croire n’est pas voir ». Il distingue clairement les savoirs scientifiques, ses interprétations philosophiques et sa croyance.
Sa philosophie est basée sur la connaissance de l’évolution. Il a approfondi sa foi chrétienne et la théologie en tenant compte de sa culture scientifique.



Les connaissances scientifiques font évoluer notre vision du monde

Grâce aux connaissances scientifiques, nous relativisons mieux la place de l’homme dans la grande histoire de l’Univers. Connaître de mieux en mieux les milliards d’années de notre passé depuis le « big bang » est un atout philosophique considérable. A nous de mieux utiliser ces connaissances concernant l’Evolution pour mieux forger notre vision du monde et nos opinions (philosophiques, religieuses, politiques, ...).


Sous l’angle scientifique, la réalité du monde est encore plus étonnante

La contemplation du monde peut se faire aussi à travers le prisme de ses propres connaissances scientifiques : admirer un beau ciel étoilé, oui, mais l’admirer en pensant à quelques connaissances en astronomie donne encore une dimension supplémentaire à son émerveillement. Il en est de même pour tous les phénomènes, notamment en matière de biologie, y compris sur la puissance de notre cerveau mis de plus en plus en évidence par les neurosciences.

Peuvent être aussi source de contemplation les mathématiques, qualifiées comme une science abstraite. Pourtant, malgré l’énigme de leur fondement logique,  elles « collent » au réel, pour nos opérations arithmétiques de tous les jours et pour décrire avec précision de nombreux phénomènes tant physiques que biologiques.


Des éléments de réponse à des questions philosophiques

La science d'aujourd’hui donne des éléments de réponse à des questions philosophiques que les humains se sont toujours posées : d’où venons-nous ? que sommes-nous ? quel est notre devenir ?
En fait les réponses de la science sont loin d’être complètes. Elles entraînent en général de nouvelles questions. Nous savons que cela sera sans fin. Aussi avancées que soient les  découvertes scientifiques, la réalité de l’Univers constituera toujours un Mystère. Rappelons la citation célèbre d’Einstein : « Ce qui est incompréhensible, c’est que le monde soit compréhensible.  »

La connaissance de la structure des atomes et de leurs composants s’est affinée au cours des dernières décennies. Si les propriétés des particules élémentaires sont de mieux en mieux connues, l’origine et la nature intrinsèque de la Matière-Energie reste et restera toujours mystérieuse.

Les réponses ou plutôt les informations partielles sur notre origine et sur notre devenir permettent surtout d’écarter  les explications mythologiques, même si elles ont eu le mérite d’apporter du réconfort à nos ancêtres avec souvent une valeur éducative.


Une base culturelle commune à toute l’humanité

Au cours de ces derniers siècles, nous avons eu la chance de bénéficier du fait que la science nous apporte une vue de plus en plus précise et objective de l’Univers même si elle n’est que fragmentaire.
Les connaissances amassées progressivement constituent une base culturelle commune pour tous les humains et, notamment pour les groupes de réflexion philosophique ou politique du monde, y compris dans les domaines économiques, éthiques, moraux, religieux.

La science nous donne une image de plus en plus fine de notre histoire commune. Il existe une continuité historique et spatiale dans l’univers. Toutes les disciplines scientifiques se recoupent et sont dans le prolongement les unes des autres : astrophysique, géologie, chimie, biochimie, biologie, neurologie, psychologie, ethnologie, sociologie, …

Cela ne veut pas dire que nous allons tendre vers une pensée unique. Les humains sont divers de par leurs gènes et leur environnement (y compris sous l’aspect culturel). Facilitée par les communications modernes, la prise de conscience de cette sorte de grand tronc commun de connaissances est nouvelle dans l’histoire de l’humanité.

La science n’est pas la philosophie. Elle ne fait que de constituer une bonne base pour philosopher. De même la théologie doit tenir compte de tous les enseignements basés sur la raison.


La méfiance envers la science conduit au nihilisme

Le scepticisme ou le relativisme vis-à-vis des découvertes scientifiques semble remettre en question tout fondement à notre existence. Alors que considérer les faits scientifiques comme une bonne description de notre Univers nous le fait aimer et nous pousse à le contempler.

On peut même dire que les 13,8 milliards d’années d’histoire connue ont un sens, au moins dans l’acceptation du mot direction. L’Evolution a engendré un accroissement de la complexité de la matière dite inerte, puis de la matière vivante (dont le cerveau). Dans son prolongement apparaît le développement des réseaux humains de toutes sortes. N’est-ce pas comme si, à plusieurs, notre cerveau humain devenait encore plus complexe et donc plus puissant ? C’est ce que certains penseurs ont appelé la « noosphère », la sphère de l’esprit par analogie avec la biosphère.

Faute d'avoir ces grands phénomènes d’Evolution à l’esprit, notre perception du monde risque d'être restreinte au côté absurde de la vie, ce qui conduit au nihilisme dans le sillage de grands philosophes, Nietzsche, Heidegger, … . Ce courant de pensée n’imprègne t-il pas fortement nos sociétés dites développées ? Rien ne semble très important dans la vie de certains de nos concitoyens si ce n’est leur confort personnel qui, d’ailleurs, s’avère lui aussi vite insuffisant et trop précaire pour les satisfaire. C’est l’individualisme courant !


L’étude de faits peut déboucher sur des perspectives philosophiques

Les sciences humaines ou les études historiques sont aussi basées sur des observations concrètes et sont susceptibles de faire évoluer nos perspectives philosophiques comme le montre l’exemple ci-dessous qui depuis longtemps retient mon attention.

Le développement de la pensée humaniste au fil de notre histoire peut être en tant que tel considéré comme une observation scientifique (ou comme un fait objectif). Jusqu’à preuve du contraire les sentiments humanistes existent chez tous les peuples à un niveau plus ou moins développé. Les animaux supérieurs n’ont-ils pas eux-mêmes des formes embryonnaires de sentiments de solidarité et d’amour parental ?
De l’examen  de la période historique, il ressort que l’idée de considérer tous les hommes égaux est récente. En occident elle est apparue avec le christianisme et a progressé au cours des derniers siècles. Il a fallu beaucoup d’années pour abolir l’esclavage et considérer la femme comme l’égal de l’homme. Les valeurs morales ou humanistes de la Déclaration universelle des droits de l’homme ne sont pas contestées, même si elles ne sont bien sûr pas toujours le guide de nos comportements tant individuels que collectifs. Sur la longue période historique des derniers millénaires, l’évolution s’est faite souvent avec des rebondissements bénéfiques inattendus après des périodes de grandes difficultés.

Une vision historique des faits, ici la montée en puissance de la pensée humaniste, nous donne une perspective significative sur l’évolution du monde. Cet exemple parmi d’autres tend, à mon avis, à montrer qu’il est toujours possible d’espérer dans l’humanité. Des rebondissements « vertueux » se produisent souvent après les crises les plus graves (guerres, génocides, …) tant sur le plan moral, comme évoqué ci-dessus, que sur le plan économique ou amélioration des conditions de vie.

L’étude de l’évolution de l’humanité depuis son origine nous donne une perspective culturelle essentielle, pour une part philosophique. Elle nous apporte le recul nécessaire pour mieux appréhender la situation actuelle et pour contribuer à l’améliorer dans la mesure de nos moyens.



Conclusion (= résumé)

Il est primordial de se référer à des connaissances scientifiques pour affiner ses opinions personnelles et de reconnaître la valeur des expertises étayées sur des observations et des expérimentations.

Une meilleure connaissance des apports de la science  et de ses limites permet de mieux appréhender le monde, de mieux distinguer ce qui peut être prévisible de ce qui ne l’est pas. Les découvertes scientifiques constituent une base de réflexion pour mieux cerner d’où vient l’humanité, ce qui n’empêche d’ailleurs absolument pas de considérer l’origine du monde et toute sa capacité de développement comme un grand Mystère devant lequel nous devrons toujours nous incliner. Les limites de notre connaissance reculent alors qu’en même temps resurgissent de nouveaux mystères.

Les sciences, dont la neurologie et les sciences humaines, nous aident à mieux comprendre ce que nous sommes, composés de Matière ayant atteint un degré de complexité tel que notre système neurologique nous a permis de réfléchir et même de réfléchir au fait que nous pensions.

La science n’apporte pas et n’apportera jamais une vérité ultime sur nous-mêmes, sur le monde, sur la nature profonde de la Matière-Energie. Ces limites laissent place à des croyances, notamment celles basées sur la foi en Etre transcendant et sur l’espérance d’un devenir au delà de la mort dépassant notre entendement. Par contre les connaissances issues des sciences constituent indéniablement un socle de vérités universelles destinées à être reconnues en tant que telles par tout homme « raisonnable ».

Arrêtez de dénigrer l'agriculture conventionnelle !

Arrêtez de dénigrer l'agriculture conventionnelle !


Lors  d’une  conférence  où  l’agriculture « conventionnelle »  était jugée  responsable  d’une   « malbouffe » et d’une pollution généralisée, je me suis aperçu qu’il était quasi impossible de répliquer brièvement. J’ai essayé de comprendre pourquoi un tel dénigrement et de trouver des arguments pour répondre à ces accusations.

Les débats médiatiques actuels sur les techniques agricoles vont pratiquement tous dans le même sens. La solution d’avenir aux problèmes posés passerait inexorablement par « l’agriculture biologique »  caractérisée par la non-utilisation des engrais minéraux et des molécules de synthèse et avec interdiction d’utiliser les semences issues des biotechnologies, appelées OGM(1).

Mon objectif n’est pas de discréditer  « l’agriculture biologique »  et encore moins ceux qui la pratiquent. Il est de montrer que l’ensemble de la filière agricole est préoccupé par la santé publique et l’environnement. Le choix entre les « deux formes d’agriculture », si l’on peut dire, repose avant tout sur des convictions intimes, de nature philosophique.

Remarquons que le choix des mots n’est pas neutre. Si j’avais utilisé le vocabulaire médiatique le plus courant, j’aurais utilisé le terme « pesticide », issu du mot anglais « pest ». On oublie la terminaison finale qui signifie que ces produits servent à éradiquer des fléaux. Je m’étonne que le mot « biologique » ait été retenu uniquement pour l’agriculture sous le label AB comme si l’agriculture conventionnelle ne produisait pas des denrées de nature biologique.

Cette prise de position si répandue en faveur du label AB s’explique, à mon avis, principalement par deux aspects :

- un manque de confiance dans les données scientifiques
- des a priori éthiques ou philosophiques, basés sur la peur de l’avenir et le refus du moindre risque.

Au préalable remarquons deux points importants :

1/ Sans les gains significatifs de productivité de ces dernières décennies, nous serions encore plus incapables que maintenant de nourrir sept milliards d’humains, puis bientôt neuf milliards. Il paraît que ce serait possible avec les techniques « d’agriculture biologique » s’il y avait moins de gaspillage de nourriture, si moins de céréales servaient à l’élevage, donc si nous ne mangions plus de viande, etc. Cela suppose de nombreuses conditions qui remettent en cause beaucoup d’aspirations de nos contemporains, notamment ceux des pays pauvres.
Sans l’excédent de blé dans certaines régions du monde, comment les grands pays importateurs, comme l’Egypte, s’alimenteraient-ils? Le rejet de toutes formes  d’agriculture dite productiviste est plus du domaine de l’utopie que de celui de la réalité.

2/ Le règlement de l’agriculture « biologique » prévoit « de limiter strictement l'utilisation d'intrants chimiques de synthèse » à des cas exceptionnels(2). Cette distinction,  molécule de synthèse - molécule naturelle, est sans véritable fondement scientifique. D'ailleurs, certains processus de synthèse chimique permettent d’obtenir une structure moléculaire identique aux formes naturelles, même pour des molécules complexes. Citons par exemple l’insuline fabriquée à partir de biotechnologie, à l’aide de bactéries génétiquement modifiées(3).

Reconnaître qu’il y a eu des erreurs d’appréciation en agriculture

Aucune technique de production ne peut se réaliser sans quelques conséquences et sans perturber à un degré ou un autre l’environnement initial. Le risque zéro n’existe pas. Les études scientifiques avant l’utilisation et après la mise en vente des produits phytosanitaires se sont affinées au fil des années. Les procédés de recherche permettent de mieux suivre les éléments chimiques dans le sol et dans l’eau, de mieux analyser les impacts éventuels sur la santé. C’est ainsi que l’on a constaté par exemple que nous retrouvions dans l’eau des molécules de  synthèse parfois interdites depuis plusieurs années (exemple de l’atrazine interdite en France depuis 2003). Certaines conséquences avaient été mal appréhendées. Il est bien sûr normal et logique d’en tenir compte.

Si des erreurs ont été faites, notamment en matière d’autorisation  d’herbicide (sous-estimation du temps de dégradation), reconnaissons que, sauf exception locale, leurs conséquences néfastes ont souvent été minimes. Même si l’objectif est de l’éviter, quelques traces de molécules de synthèse dans une eau qualifiée potable n’est en général pas dramatique en soi. Les effets toxiques dépendent beaucoup des doses absorbées et d’éventuels effets d’accumulation.

Certes des erreurs ont été commises et il y en aura encore probablement d’autres. Cependant changer complètement de cap comporte aussi des risques. Il est illusoire de croire que la généralisation d’une agriculture sans recours à des molécules de synthèse et sans engrais minéraux ne comporterait aucun  risque. Le spectre d’une  production insuffisante serait d’autant plus grand que nous disposerions de moins de moyens pour lutter contre des attaques parasitaires d’envergure. Par ailleurs il faut être prudent aussi pour l’utilisation de produits naturels.Par exemple,  suite à des excès d’utilisation de cuivre, il y a eu des cas de déséquilibres de sol.

Reconnaître aussi les efforts d’amélioration

Suite à une meilleure connaissance de leurs effets sur l’environnement et sur la qualité des sols (perte de matières organiques, lenteur de la dégradation de molécules, …), les techniques agricoles évoluent.  De nouveaux réseaux d’expérimentation et de suivi des pratiques sont mis en place. Par exemple, les expérimentations, de plus en plus systémiques, intègrent davantage les effets agronomiques dus à l’alternance des cultures.

Les améliorations réalisées sont le plus souvent passées sous silence par les médias, voire complètement ignorées. La raison probable est que les journalistes non agricoles et l’opinion publique pensent que ce ne sont que des progrès de détail (il n’a en général rien de spectaculaire), et que, sans remise en cause complète, il n’y aurait pas d’amélioration possible. Seuls les agriculteurs « biologistes » trouvent grâce à leurs yeux.

En matière de techniques agricoles, comme dans bien d’autres domaines, il n’existe pas de panacées. Cela d’autant plus que de nouvelles maladies peuvent se développer, de nouvelles adventices résistantes à certaines techniques de désherbage (chimique ou mécanique) apparaissent un jour ou l’autre. Il faut donc s’adapter continuellement et les connaissances scientifiques sont des précieux alliés pour trouver les parades.

Admettre que nous ne pouvons pas vivre sans risque

Les problèmes d’environnement et de techniques agricoles doivent être compris dans cet esprit d’adaptation et de prises de risque. Il faut bien admettre qu’il n’est pas possible de vivre sans quelques prises de risque.

Remarquons que dans le domaine de la santé, cela est mieux admis. Ce n’est pas parce qu’un médicament ou un vaccin a des effets secondaires (allergie, intolérance,…) qu’il est retiré du marché si par ailleurs il rend des services incontestables. Si non, un raisonnement de prudence maximum conduirait également à supprimer du marché des molécules naturelles : par exemple tous les aliments contenant du lactose ou du gluten sous prétexte qu’une minorité ne les tolère pas.

Un dilemme se pose toujours aux décideurs. Les effets bénéfiques d’un produit sont-ils suffisamment importants par rapport aux inconvénients constatés ou envisagés?
Il en est de même en matière de techniques agricoles. Il faut se méfier des réponses toutes faites basées sur l’interdiction. Les problèmes posés sont le plus souvent complexes. Les études menées et les dispositions prises font intervenir trois parties : la recherche (fondamentale et appliquée), la profession (aspects pratiques de la mise œuvre), l’administration (à plusieurs niveaux). Les corrections nécessitent souvent du temps pour produire leurs effets.

Remarquons que les techniques les plus anciennes ou inspirées de l’agriculture dite « biologique » sont également étudiées, et de plus en plus pratiquées (je pense notamment aux matériels de désherbage mécanique).

L’impatience d’écologistes qui ne voudraient qu’on modifie en rien les paysages ou le cours des choses est sclérosante. J’entends parfois dire que « nous allons droit dans le mur ». D'une part ils sous-estiment les capacités d’évolution de la profession agricole et celles de l’administration appuyée par la recherche scientifique. D'autre part, en pensant que certains « dégâts » sont de nature irréversible donc irréparable, ils sous-estiment les capacités d’évolution de la nature.

Faire confiance à la recherche scientifique

La recherche scientifique a un rôle primordial. Il ne sera jamais possible de tester tous les cas de figure en laboratoire avant de diffuser une nouvelle technologie. En agriculture comme dans d’autres domaines, nous sommes obligés d’évoluer. La recherche sur les protections des plantes doit continuer. Elle va trouver d’autres produits avec de nouveaux modes d’action. La meilleure connaissance des processus physiologiques permet sans aucun doute d’évoluer dans ce sens.

Le principe de précaution bien compris consiste avant tout à approfondir les études d’impact. Par contre s’il est appliqué de façon extrême, aucune technique de fertilisation et de protection chimiques ne peut être utilisée. Il en est de même des semences issues de biotechnologies génétiques. Dès lors la régression de la production agricole deviendrait inéluctable.

L’homme a toujours « façonné » la nature

La nature, elle-même, a continuellement évolué depuis son origine. La terre a quatre milliards d’années d’activité biologique. Cette évolution s’est faite  par échecs ou par succès, par tâtonnements et adaptations successives. Depuis la période néolithique, l’homme a commencé à faire de l’agriculture et de l’élevage. Il est intervenu sur l’évolution de la nature, a modifié les paysages, a sélectionné des espèces et des variétés, en procédant, un peu comme la sélection naturelle, avec des échecs et des succès.

Certes l’homme a de plus en plus de pouvoir sur la nature de par ses nouvelles possibilités technologiques, en agriculture comme ailleurs. Cela peut  expliquer le sentiment de peur de l’avenir qui semble être une des caractéristiques de nos sociétés occidentales actuelles.

La peur de l’avenir conduit à la stagnation

Il est préoccupant de constater que ce rejet de l’agriculture conventionnelle est en voie de se généraliser dans nos pays européens. C’était mieux autrefois. On ne polluait pas la nature, nous buvions de l’eau pure, l’alimentation était saine, etc. Toutes ces affirmations sont en fait fausses. Aurait-on oublié tous les progrès effectués en matière sanitaire? Sait-on, par exemple, que l’utilisation de fongicides a en autres buts de protéger les céréales contre le développement des mycotoxines? Renoncer à leur utilisation représente un risque certain : la réglementation prévoit des seuils de toxines à ne pas dépasser pour la commercialisation des grains.

Auprès du grand public, il ne suffit pas de prouver que les denrées consommées sont saines. Le problème posé n’est pas que d’ordre technique. Il apparaît davantage psychologique, ou plus précisément du domaine de l’éthique, voire de la philosophie. La clé pour comprendre ce rejet de l’agriculture conventionnelle est l’inquiétude concernant notre devenir.

Ce sentiment concerne aussi d’autres secteurs, mais, semble t-il, dans une moindre mesure. Les débats sur l’impact des écrans (télévision, ordinateur, ..), des ondes de téléphones mobiles ou des nanotechnologies ont eu moins de répercussions.

La dramatisation de l’état de la planète traduit une philosophie du pessimisme. L’intérêt des cris d’alerte sur tel ou tel problème est une bonne chose. Ce qui l’est moins, c’est leur exagération et leur généralisation à tous les milieux, à toutes formes d’agriculture ayant recours à des intrants industriels, etc.

Il ne faut pas non plus oublier que la nature est à même de retrouver de nouveaux équilibres écologiques après un déséquilibre brutal provoqué par une erreur humaine, ou par la nature elle-même (éruption volcanique, …). Tout ne va pas dans le sens de la dégradation ou de l’entropie. La vie au cours  de l’évolution se manifeste comme une force de réorganisation, opposée à l’entropie.

Évoluer vers une meilleure maîtrise technologique

La dramatisation des problèmes s’explique  peut-être aussi par les difficultés économiques actuelles. Beaucoup de nos concitoyens ne font confiance ni aux financiers, ni aux hommes politiques, ni aux acteurs des filières alimentaires.

Le refus des nouvelles technologiques provient aussi du mythe de l’authentique, du retour à la nature qui a profondément marqué notre culture depuis le XVIII siècle avec le philosophe Jean-Jacques Rousseau. Le mouvement de mai 68, avec son rejet de la société de consommation, est toujours présent  dans nos esprits. Tout ce qui est « naturel » est considéré comme meilleur, de même une production artisanale par rapport à l’industrielle.

Nous ne sommes peut-être pas plus heureux que nos ancêtres, mais nos facilités d’existence sont dues au développement industriel et technique. L’essor de nouvelles activités a été rendu possible par la diminution du besoin de main d’œuvre agricole  grâce aux gains de productivité. Moins de personnes dans le monde sont obligées de travailler péniblement la terre de façon ancestrale. C’est une donnée de base de l’évolution des sociétés, encore très actuelle dans les pays émergents. Un retour en arrière est devenu impossible. Nous sommes pour ainsi dire condamnés à évoluer, donc à essayer d’améliorer notre cadre de vie et d’avoir une agriculture performante.

L’homme n’a jamais eu autant de moyens techniques à sa disposition, tant pour le meilleur que pour le pire. Face à ce constat, nous n’avons que la solution, chacun en fonction de ses petits moyens, de faire en sorte que le meilleur soit fait et le pire évité. Rappelons si besoin que l’avenir est largement imprévisible. Le pire (considéré inéluctable par les mauvaises langues!) n’est en réalité jamais certain.


Les partisans du renoncement systématique aux nouvelles technologies agricoles sont profondément pessimistes. Leur ressenti paraît avant tout une posture philosophique qui est, semble t-il, bien ancrée dans l’opinion publique.   Ils méconnaissent les efforts actuels réalisés et ne conçoivent pas les possibilités d’adaptation pour réaliser une agriculture durable respectueuse des sols, de l’environnement et de la santé publique.

Face aux propos de dénigrement, il faut montrer qu’il est beaucoup plus constructif d’aborder l’avenir et les problèmes avec une philosophie ou une éthique de vie plus confiante envers les avancées scientifiques, plus confiante sur les capacités de réaction. L’homme a toujours su réagir. La recherche scientifique sur ces sujets est une donnée fondamentale tant pour l’observation des phénomènes que pour leurs corrections.

Nous pouvons penser que les  deux formes d’agriculture se rapprocheront grâce à un approfondissement de leurs méthodes sur des données plus objectives qu’actuellement.

Cela ne pourra se faire que si l’opinion publique évolue. La crainte de la « malbouffe » pourra-t-elle disparaître ou s’estomper ? Sera-t-il vraiment possible d’expliquer comment l’environnement et la santé publique sont pris en compte dans l’agriculture, même avec un recours aux biotechnologies? Nous ne le savons pas bien sûr. Néanmoins  il faut poursuivre les améliorations des techniques agricoles et les faire connaître.

Olivier CLARET
Ancien conseiller de CERFRANCE Sud Champagne


(1) RÈGLEMENT (CE) No 834/2007 DU CONSEIL du 28 juin 2007.
(2) Les OGM ne sont pas utilisés en France et quasi pas dans l’Union Européenne. Par contre dans le reste du monde, leur surface progresse depuis une vingtaine d’années pour atteindre plus de cent cinquante millions d’hectares, soit la moitié des surfaces mondiales de maïs, coton, soja et canola (colza de printemps canadien).