Article du Dictionnaire
de philosophie de l'Université de Cambridge* concernant Teilhard de Chardin
Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955), est un
paléontologiste français, prête jésuite et philosophe. Son œuvre philosophique,
publiée seulement à titre posthume, a été vigoureusement débattue tout au long
de sa carrière. Ses écrits ont généré une controverse considérable à
l'intérieur de l'Eglise, dès lors que sa principale préoccupation fut d'apporter
une réconciliation forte et déterminante entre le dogme traditionnel chrétien et les ouvertures
remarquables apportées par la science moderne. Sa philosophie est une réflexion
systématique sur la cosmologie, la biologie, la physique, l'anthropologie, la
sociologie et la théologie - réflexions guidées par sa fascination pour la
nature de la vie, de l'énergie et de la matière, et par son profond respect
pour la spiritualité humaine.
Teilhard a étudié la philosophie et les mathématiques au
collège jésuite de Mongré, près de Lyon. Il est entré dans l'ordre des jésuites
à l'âge de dix-huit ans et a été ordonné prêtre en 1911. Il est allé étudié à
Aix-en-Provence, Laval et Caen ainsi qu'à l'île de Jersey et à Hastings en
Angleterre. De retour à Paris après la guerre, il étudie la biologie, la
géologie et la paléontologie au Musée
d'Histoire Naturelle et à l'Institut Catholique puis en 1922 il est obtient le
titre de docteur en géologie. En 1923 peu de temps après avoir eu un poste de géologie
à l'Institut Catholique, il l'abandonne pour poursuivre ses recherches en
Chine. Ses recherches aboutissent à la découverte en 1929 de l'homme de Pékin (Sinanthropus
pekinensis) - pour lequel il voyait "peut-être le dernier maillon entre
les anthropoïdes et l'homme". C'est durant cette période qu'il commence
son ouvrage théorique majeur, Le
Phénomène humain, dans lequel il insiste sur la complexité continue de
l'évolution et l'émergence de l'homme à partir du monde animal. Il soutient que
la théorie de l'évolution est compatible avec la doctrine chrétienne. En effet
il s'agit d'une synthèse de la théorie de l'évolution avec sa propre théologie
chrétienne qui est peut-être l'aspect définissant le mieux le contenu général
de sa pensée.
Partant du tout début de l'évolution, avec ce qu'il appelle
le "point Alpha" de la création, la théorie générale de Teilhard s'oppose
à toute rupture entre matière inerte et matière vivante. Pour lui, matière et
esprit sont vraiment deux "faces" ou "aspects" de la même
étoffe cosmique. Les passages d'un état à l'autre pourraient être dits
correspondre à des passages entre le somatique et le psychique, l'extérieur et
l'intérieur, compte-tenu de l'état de développement relatif, d'organisation et
de complexité. En conséquence, pour Teilhard, autant que pour Bergson (dont
l'œuvre a eu une grande influence sur lui), l'évolution, ou le développement,
est caractérisée par une progression partant des composants les plus simples de
la matière et de l'énergie (qu'il appelle la lithosphère) en passant par
l'organisation de la flore et la faune (la biosphère) jusqu'aux formations
complexes de la vie humaine avec conscience et connaissances (la noosphère). Dans
ce sens l'évolution est une "spiritualisation progressive de la
matière". Il a soutenu qu'il s'agit d'un processus d'orthogenèse, une
unique "évolution dirigée" ou "genèse" par laquelle la
matière aurait sa propre évolution irréversible dans un processus d'enroulement
et de complexification, qui conduit au psychique.
Plus précisément, le mérite de Teilhard est d'avoir chercher
à surpasser ce qu'il considérait comme une vision du monde préscientifique, fondé
sur un dualisme métaphysique largement archaïque et indéfendable. En faisant
cela, il espérait réaliser une convergence déterminante entre la science et la
religion. La fin de l'évolution, le "point Oméga", serait la pleine
présence du Christ, incarné dans une société humaine universelle. Beaucoup ont
tendance à voir dans de telles vues un panthéisme chrétien. Teilhard lui-même
souligne une perspective spirituelle profondément personnel qui est tiré non
seulement de la tradition théologique de Saint Thomas, mais aussi du
néoplatonisme de Saint-Paul et du mysticisme chrétien - cette tradition vient de
maître Eckhart reprise par le cardinal Bérulle et Malebranche.
D.AL.
Traduction
d'Olivier et Dominique Claret
* issu du
dictionnaire vendu en 2017 à la librairie de l'université